Un chrétien peut-il considérer qu’il n’y a aucune loi divine, que les normes évoluent avec la sensibilité morale, le « péché » étant une simple convention humaine?
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OUI
Martin Blais : « La conscience morale est un simple jugement de la raison. Comment lui donner un fond ? [...] Il faut qu’il s’agisse des inclinations naturelles, qui sont les principes d’où Thomas d’Aquin dégage les préceptes. Ces inclinations ne sont pas écrites, ce ne sont pas des lois ; elles sont ressenties. On parle ensuite d’une « voix qui ne cesse de le presser d’aimer et d’accomplir le bien et d’éviter le mal ». Chez Thomas d’Aquin, c’est le premier précepte de la loi naturelle qui joue ce rôle ; et il n’est pas une voix. Cette loi n’est pas inscrite par Dieu au cœur de l’homme : elle est en l’homme sous forme d’inclinations naturelles.[i] »
Daniel Maguire : « En 1993, le Parlement des Religions du Monde, réuni à Chicago, a publié une Déclaration pour une éthique planétaire. Le document appuie la Déclaration universelle des droits de l’homme des Nations Unies, promulguée en 1948 […] On y invite les états à reconnaître "l’autorité des organisations universelles". Ce Parlement réunissait des représentants de la plupart des grandes religions et des religions autochtones. Notons qu’à l’instar de la constitution américaine, le document est sans référence à Dieu. Il est rédigé à partir des intuitions morales des religions du monde et les présente comme pertinentes pour les personnes "religieuses" et "non religieuses", pour les théistes et les non-théistes.[ii] »
Brian Mountford : « J’ai commencé […] en me demandant s’il était légitime pour les athées chrétiens de revendiquer l’éthique chrétienne lorsqu’ils ne croient pas en Dieu […] En réalité, les athées chrétiens semblent heureux de certaines des orientations que donne la Bible, particulièrement de l’enseignement de Jésus dans les Évangiles […] Nous avons une variété de termes pour nommer ce qui nous pousse à être bons et je suis satisfait d’utiliser le mot Dieu pour les englober, mais je suis aussi heureux avec tout autre nom ou toute autre formule qui tend à décrire la même aspiration morale.[iii] »
John Shelby Spong : « Il n’existe aucun principe éthique objectif, extérieur à nous, révélé par Dieu et formulé dans une écriture ou sur des tablettes de pierre et qui devrait régler à jamais notre conduite morale.[iv] » « Peu importe les prétentions religieuses passées, il est aujourd’hui impossible de construire un système éthique sur la base d’un standard immuable ou éternel. Les prétentions que quelques règles sont immuables et proviennent d’une source divine ne sont guère plus aujourd’hui que des illusions religieuses persistantes.[v] »
NON
Hubert de Wouters : « Notre libre acceptation de la relation exigeante, qui nous est offerte par Dieu Trinité, qui est le chemin de notre accomplissement, a des implications ; elle suppose la mise en œuvre d’un certain nombre de principes et de règles (par exemple « les commandements de Dieu ») que nous reconnaissons comme étant des conditions de possibilité de la vie et du développement de cette relation.[vi] »
Jean-Paul II : « Le lien qui existe entre la liberté de l’homme et la Loi de Dieu se noue dans le "cœur" de la personne, c’est-à-dire dans sa conscience morale : "Au fond de sa conscience — écrit le Concile Vatican II —, l’homme découvre la présence d’une loi qu’il ne s’est pas donnée lui-même, mais à laquelle il est tenu d’obéir. Cette voix, qui ne cesse de le presser d’aimer et d’accomplir le bien et d’éviter le mal, résonne au moment opportun dans l’intimité de son cœur : "Fais ceci, évite cela". Car c’est une Loi inscrite par Dieu au cœur de l’homme ; sa dignité est de lui obéir, et c’est elle qui le jugera (cf. Rm 2, 14-16)".[vii] »
Roger Pouivet : « Il serait tellement plus agréable de se dire que, finalement, ce que nous faisons ici-bas de bien ou de mal, n’a pas tant d’importance que cela, qu’il ne faut pas exagérer l’importance de nos pires comportements… de nos péchés. C’est sans doute parce qu’une conception ramollie de la religion a aujourd’hui libre cours qu’on ne craint plus l’enfer. Qui reste pourtant ce qui est promis au pécheur qui ne se repent pas, non ?[viii] »
Christoph Schönborn : « La vision chrétienne de l’homme […] maintient qu’il existe une sorte de "langage du Créateur" dans la nature, impliquant donc un ordre moral de la Création qui s’y réfère, et qu’il convient d’avoir pour ligne directrice dans toutes les questions éthiques.[ix] »
[i]Blais, M (2009), Réflexions inspirées par le Rapport de la Commission Théologique Internationale, « À la recherche d’une éthique universelle : nouveau regard sur la loi naturelle, Classiques des Sciences sociales, Chicoutimi : UQAC, p. 81.
[ii]Maguire (2014), Christianity without God, New York : State University of New York, p. 148.
[iii]Mountford, B. (2011), Christian Atheist, UK : O-Books, p. 52 à 54.
[iv]Spong , J. S. (2012), A New Christianity for a New World : Why Traditional Faith Is Dying and How a New Faith Is Being Born, San Francisco : Harper. Traduction : https://fr.wikipedia.org/wiki/John_Shelby_Spong#cite_note-2.
[v]Spong, J. S. (2018), Unbelievable, New York : HarperOne, p. 201.
[vi]de Wouters, H. (2014), Le mystère chrétien, Paris : Cerf, p. 655.
[vii]Jean-Paul II, (1993), Splendeur de la vérité, http://w2.vatican.va, par. 54.
[viii]Pouivet, R. (2011), Sur la rationalité des croyances religieuses, Théorèmes, 17 nov. 2014, https://journals.openedition.org/theoremes/230, par. 22,
[ix]Schönborn, C. (2007), Hasard ou plan de Dieu?, Paris : Cerf, p. 146-147.